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Lego ergo sum

15 septembre 2007

Lego ergo sum déménage.

Chers amis lectrices et lecteurs,

Afin de préserver la qualité de ce blog - et même de l'améliorer, je l'espère - ;o)

Et aussi parce que le Temps n'est pas extensible et que cette nouvelle année scolaire qui débute me contraint à des obligations particulières auprès de mes enfants,

Et que, enfin, je me consacre de plus en plus à l'écriture,

J'ai décidé de fusionner "Lego" avec "Les Manuscrits ne brûlent pas", que j'ai créé fin mars 2007, sur le site d'édition en ligne Alexandrie On Line.

J'y écris sous le pseudonyme de Woland, en hommage à ce très grand roman de Boulgakov qu'est "Le Maître et Marguerite."

Vous pourrez y retrouver tous les articles parus sur "Lego" - et beaucoup d'autres dont je souhaite qu'ils vous plairont, eux aussi.

A très bientôt, je l'espère et merci pour votre fidélité. ;o)

Les Manuscrits ne brûlent pas, c'est ici.

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9 août 2007

Le presbytère hanté de Borley - E. Dingwall, K. Goldney & T. Hall ( II ).

Après lecture de ce livre, deux questions se posent au lecteur :

1) Harry Price s'est-il rendu coupable de fraude ? Oui, c'est indubitable. Price a tout fait, surtout après 1937, pour que Borley soit déclaré hanté. Mais - et cela non plus, on ne peut le nier - il était plutôt sceptique lors de la première visite qu'il fit à Borley en 1929, en compagnie d'ailleurs de l'une des signataires de "Le Presbytère hanté de Borley", Kathleen Goldney, laquelle semble avoir cependant toujours estimé que, dans certains cas (qui ne concernent pas tous Borley, donc), Price avait fait figure de medium tout à fait inconscient de ses propres possibilités.

Quand les Foysters le rappelleront, Price ne mettra pas non plus très longtemps à deviner qui écrit les fameux "messages" laissés, soi-disant, par les esprits, sur un ou deux murs du presbytère. Dans les années 60, Mrs Veuve Foyster admettra elle-même de bonne grâce les avoir rédigés - "parce qu'elle s'ennuyait."

Mais Price avait besoin d'argent et de notoriété. Du coup, il a succombé aux charmes de la supercherie - et probablement pas seulement en ce qui concerne le cas de Borley.

Tout au long de ses 300 pages, le livre de Dingwall, Goldney et Hall tend à le démontrer par A plus B. Entreprise louable, sans nul doute mais qui a - ce n'est que mon avis - entraîné ses auteurs à pécher eux aussi comme l'avait fait Price en son temps : ils en font trop.

Ce qui amène le lecteur à se poser la deuxième question :

2) En dépit de la supercherie de Price, se peut-il que certains phénomènes se soient réellement produits au presbytère de Borley ?

Dans leur volonté de se montrer objectifs à tous prix, le trio d'écrivains-chercheurs imputent les phénomènes à Price et, quand il n'est pas encore entré en scène, à des farces que les jeunes demoiselles Bull auraient décidé de faire à leurs proches, au désir de gloire des Smith, à la petite Adelaïde Foyster et même aux gens du village de Borley. En outre, ils font le flou sur les incohérences et les reniements dans les propos que l'on peut rencontrer, par exemple, chez les Smith, pour ne citer qu'eux.

Et c'est là que le bât blesse car, s'ils réclament - avec raison - des preuves tangibles de tout ce qu'a pu avancer Harry Price, ils se contentent , pour expliciter leurs propres allégations, d'évoquer par exemple la sieste qu'aurait fait le révérend Bull avant de voir la fameuse religieuse, le tempérament rieur des demoiselles Bull, etc, etc ... Bref, toutes choses évidemment invérifiables.

Voilà pourquoi l'on sort de ce livre assez perplexe. On y apprend tout au plus la chronologie exacte des faits. Pour le reste - en-dehors des preuves qui accablent la mémoire de Price - rien n'est dit. Le presbytère de Borley n'a donc pas fini de faire parler de lui.

9 août 2007

Le presbytère hanté de Borley - E. Dingwall, K. Goldney & T. Hall ( I ).

Jaquette non répertoriée
Le presbytère hanté de Borley
The Haunted Borley Rectory
Traduction : Hugues de La Chesneray


En 1958, paraissait chez Denoël, avec une préface de Robert Amadou, l'excellente étude consacrée par Eric Dingwall, Kathleen Goldney et Trevor Hall au presbytère de Borley. Formé de membres d'associations de recherche paranormale très sérieuses, le trio prétendait à dénoncer la supercherie dont Harry Price, qui enquêta dès 1929 sur les phénomènes censés se dérouler dans cette maison, se serait rendu coupable à seules fins, vous l'aurez deviné sans peine, de vendre un maximum d'exemplaires du livre que lui-même avait rédigé sur Borley - et aussi d'assurer sa réputation de "fantastique chasseur de fantômes."

Rappelons brièvement l'histoire du presbytère :

1) la période Bull : le révérend Bull, pasteur du village de Borley, fait construire le presbytère en 1863. Des bruits courront par la suite comme quoi le bâtiment s'éléverait sur les ruines d'un monastère du XIIIème siècle mais il semble aujourd'hui établi que, tout comme la rumeur qui voulait qu'un couvent de soeurs eût existé non loin de là, à Bures, ce bruit était sans fondements.

Après la mort du révérend, son fils lui succède dans les mêmes fonctions et dans la même propriété, où il vit avec ses soeurs. C'est en 1900 que commence à se répandre l'idée que les demoiselles Bull ont vu plusieurs fantômes, dont celui d'une religieuse.

2) la période Smith : elle commence en octobre 1928 avec l'arrivée du révérend Smith et de son épouse dans le presbytère où le révérend Bull était décédé un an plus tôt.

Troublés par les rumeurs de hantise, M. et Mme Smith contactent le Daily Mirror qui les met en contact avec Harry Price, journaliste spécialisé en enquêtes para-psychiques.

Price arrive au presbytère en juin 1929 et, tout de suite, se produisent tout un lot de phénomènes. La bonne des Smith affirme de son côté avoir vu une apparition et le confie à Price.

Le mois suivant, les Smith, ennuyés par le manque de confort de la maison, quittent le presbytère. Ils n'y reviendront pas.

3) la période Foyster : entrent alors en scène le révérend et madame Foyster. Signalons que le premier est largement l'aîné de la seconde : plus de vingt ans de différence. Ils ont une petite fille : Adelaïde. Nous sommes en 1930 et, dès l'arrivée du couple, le presbytère s'agite.

Les Foyster rappellent Harry Price - qui se dira persuadé, plus tard, dans quelques lettres à un ami, que la responsable de tout cela n'était autre que Marian Foyster, l'épouse du révérend.

Après maintes péripéties et le recours à un exorciste, les Foyster quittent Borley en 1935. Le presbytère reste inoccupé pendant près de deux ans.

4) la période Price : Price loue le presbytère pour un an à compter de mai 1937. Son séjour ne sera guère paisible : les phénomènes s'accumulent. Lorsqu'il rend les clefs en 1938, il a constitué un énorme dossier qui lui inspirera "La Maison la plus hantée d'Angleterre", qui sortira en 1940.

A partir de là, les théories ne vont pas arrêter de s'échafauder, certaines loufoques, d'autres bien plus sérieuses. Le nouveau propriétaire des lieux, le capitaine Gregson, confirme lui aussi des phénomènes étranges, phénomènes qui survivront (si on ose l'écrire ) à la destruction du presbytère par le feu, le 27 février 1939.

Après la guerre, Price fouillera les ruines et y découvrira des ossements qu'on l'accusera par la suite d'avoir mis lui-même en place afin de donner corps à la légende de la religieuse enfermée vivante dans les murs de Borley. En parallèle, tandis que les Smith, en parfaite contradiction avec ce qu'ils avaient déclaré à Price en 1930, affirment n'avoir jamais rien constaté d'anormal dans leur ancienne demeure, d'autres personnes, visiteurs des ruines venus en amateurs ou en professionnels, prétendent avoir été témoins de nouveaux phénomènes.

Harry Price décède le 29 mars 1948. 

9 août 2007

Poisons & Empoisonneurs Célèbres - Roland Villeneuve.



Avant d'attaquer un livre de Roland Villeneuve, auteur qui a beaucoup écrit sur la démonologie, les poisons, les créatures fantastiques, etc ..., il faut garder à l'esprit qu'il fait souvent dans le "cliché historique." Ainsi, dans ces "Poisons ...", il aura pris garde à représenter Catherine de Médicis un peu comme l'a fait Dumas, c'est-à-dire comme un personnage excessif qui se délectait des "recettes" très spéciales de Ruggieri, son parfumeur. Même remarque pour les Borgia - et sans doute pour quelques autres que vous croiserez dans cet ouvrage.

Faut-il, pour autant, ne pas lire Villeneuve, bien sûr que non. Dans son genre, il possède le souffle et la minutie du passionné et il sait emporter son lecteur avec lui comme beaucoup de romanciers actuels sont bien incapables de le faire.

Dans "Poisons et Empoisonneurs Célèbres", il nous dresse un petit précis de l'empoisonnement et des empoisonneurs à travers les âges, de la ciguë socratienne à la scandaleuse affaire Marie Besnard qui défraya la chronique en France dans les années 50. (Si Villeneuve s'arrête là, c'est parce que son livre date de 1960.)

Bien entendu, à maintes reprises, il établit le parallèle entre la sorcellerie et l'empoisonnement, que l'on appelait d'ailleurs jadis "vénéfice." Il semble que la coupable pratique de se défaire de ses ennemis par le poison soit née avec l'homme même si - le fait est avéré - ce sont surtout les femmes qui recourent à cette façon très spéciale de donner la mort.

D'Agrippine la Jeune, mère de Néron, empoisonnant l'empereur Claude afin que Néron puisse ceindre la couronne des César, jusqu'à la marquise de Brinvilliers se défaisant de son père, de son frère, de son mari ... après avoir testé ses "poudres" sur les malades des hospices de Louis XIV, des rumeurs qui voulurent voir l'oeuvre du poison dans la mort, aussi brutale que cruelle, de Gabrielle d'Estrées, ou encore dans celle d'Henriette d'Angleterre, belle-soeur de Louis XIV, la fresque de Villeneuve n'omet aucun recoin. Il évoque même la sombre silhouette d'Hélène Jégado, sinistre servante bretonne si dévouée à ses maîtres successifs qu'elle en envoya un nombre conséquent d'entre eux vérifier si l'Au-delà est vraiment meilleur que notre monde mortel. Le tout ponctué de caractéristiques sur les poisons les plus utilisés - notamment l'arsenic, communément appelé le "Roi des poisons."

Ca se lit comme un excellent polar à fond historique et ça compte 300 pages chez "J'ai lu." Donc, pourquoi bouder votre plaisir ? ...

9 août 2007

Les Oiseaux - Daphné du Maurier.




The Birds
Traduction : Denise Van Moppès et Florence Glass

A lire ces sept nouvelles de l'écrivain britannique, je me surprends une fois encore à affirmer que son talent, confiné il est vrai aux "histoires d'amour" classiques, est resté en jachère. Car il y a ici, c'est indubitable, une puissance dans l'imagination et dans l'insolite qui fait de Daphné du Maurier l'égale d'un Matheson - et je pèse mes mots.

A mille lieues du clinquant hollywoodien, la nouvelle qui servit de base au film d'Hitchcock y gagne en économie dans la suggestion de l'horreur pure. Tout ici se situe dans la paisible campagne anglaise, non loin des côtes cependant, ce qui permet au héros de voir les mouettes aller se resourcer sur l'écume des vagues avant de reprendre leur assaut contre les humains. Maurier a en effet l'habileté de présenter les attaques des oiseaux comme étant guidées par la marée, ce qui laisse aux hommes, pour peu qu'ils en aient l'intelligence, le temps de se constituer des provisions et de se barricader chez eux avant que la mort emplumée ne déferle à nouveau sur eux. Tous hélas ! n'auront pas cette sagesse ...

Mais je crois que c'est au "Pommier" et à "Une Seconde d'Eternité" que je donnerais la palme au sein de ces nouvelles qui évoquent plus souvent le Bradbury du "Pays d'Octobre" que les excès sanglants de l'épouvante classique moderne.

Le premier met en scène un veuf qui acquiert peu à peu la certitude que sa femme disparue, Midge, s'est en quelque sorte réincarnée dans un pommier malingre, lequel, tout aussi insidieusement, va envahir son jardin. Mais la subtilité de l'auteur est telle que non seulement le lecteur finit lui-même par s'en convaincre - ce qui est l'effet recherché, m'objecterez-vous - mais aussi - ce qui est plus ennuyeux pour le héros - qu'il finit par prendre fait et cause pour le pommier - et pour la disparue.

Quant à "Une seconde d'éternité", c'est probablement l'une des meilleures variations sur le thème du spectre condamné à revivre sa mort qu'il m'ait été donné de lire.

Lecture faite, on se prend à rêver au roman fantastique que Daphné du Maurier n'a jamais produit ...    

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9 août 2007

Un Appartement à new-york - Jane Smiley.



Duplicate Keys
Traduction : Anne Damour

J'ai acheté ce roman au vu de sa quatrième de couverture et j'avoue en être sortie non pas déçue à cent pour cent mais ...

Oui, il y a un "mais" et pourtant, je ne saurais dire avec exactitude à quoi il tient - chose, vous l'avouerez, assez rare chez moi. Wink

En cherchant bien cependant, je dirai que "Un Appartement à New-York" ne tient pas ses promesses. J'y attendais du piquant, de la férocité, du suspens également, puisque l'ouvrage se fonde sur un double meurtre et, si j'y ai bien rencontré tout cela, ce fut malheureusement sous une forme aseptisée. Il ne me reste donc qu'à me procurer "L'Exploitation" et à voir si vraiment - et selon mes critères personnels - son auteur méritait bien son Pullitzer.

Le thème ? Un appartement new-yorkais, dans un quartier relativement correct et dans les années 80/90. Il appartient à Suzan Gabriel, laquelle y vit régulièrement avec son compagnon, Dennis. Dans leur orbite, le frère adoptif de Dennis, Craig. Dennis et Craig sont tous deux musiciens et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont manqué le coche : leur meilleure période est derrière eux. Seul problème : Craig, qui est proche de la mythomanie, ne veut pas l'admettre et l'emprise qu'il exerce sur Dennis - et d'ailleurs sur l'essentiel de ceux qui l'approchent - est telle qu'eux aussi se refusent à voir la vérité en face.

La musique ne nourrissant pas son homme, Craig vient en plus de se compromettre en achetant une appréciable quantité de cocaïne qu'il entend bien revendre au prix fort.

Mais un jour, alors qu'elle vient arroser les plantes en l'absence de Suzan, Alice Ellis, sa voisine et amie - et notre héroïne - découvre les cadavres de Dennis et de Craig, une balle dans la tête chacun, encore assis dans le salon ...

Qui avait intérêt à abattre les deux hommes ? Un dealer non payé ? Un mari qui aurait pris ombrage des nombreux succès féminins de Craig ? Un proche ? Ou l'un de ces inconnus qui étaient susceptibles de débarquer dans l'appartement à toute heure du jour et de la nuit puisque, animés d'un esprit hippy complètement dépassé, Craig et Dennis en donnaient des doubles de clés au premier venu rencontré dans un bar un soir de concert ? ...

Les premiers chapitres passés, j'ai persévéré et tenté de m'intéresser coûte que coûte à une histoire qui me paraissait en fait très mal conduite. La découverte de l'assassin ne m'a fait ni chaud ni froid en ce sens que, renseignée par de nombreuses années de lecture de polars, j'avais pressenti son identité très tôt. Ses mobiles pourtant m'intéressaient mais, là aussi, j'ai été déçue : aseptisés et peu cohérents, voilà ce qu'ils étaient.

Donc, si vous voulez commencer à lire Jane Smiley en vous attanquant à "Un Appartement à New-York", sachez que vous risquez d'être fort déçu.

29 juillet 2007

Un Monde Vacillant - Cynthia Ozick.



Heir to the Glimmering World
Traduction : Jacqueline Huet/Jean-Pierre Carasso

Il y a une quinzaine d'années, j'ai visionné le "Kafka" de Soderbergh, avec un Jeremy Irons tout bonnement fascinant. Décrire l'ambiance qui baigne ce film, directement inspiré du "Procès", est impossible. Disons qu'il ressemble à un rêve éveillé particulièrement glauque et brumeux. (Il est d'ailleurs, si mes souvenirs sont bons, réalisés en noir et blanc, ce qui contribua beaucoup à le faire échouer au box-office américain.)

Eh ! bien, l'atmosphère qui règne dans "Un Monde Vacillant" m'a beaucoup rappelé le film de Soderbergh. Non qu'il s'agisse d'un roman noir ou pessimiste : il n'y a même rien de kafkaïen là-dedans. Mais, bien que son action se déroule intégralement aux Etats-Unis, "Un Monde Vacillant" distille de façon déroutante un souffle venu de l'antique Europe de l'Est, celle qui s'abîma dans la guerre de 14.

Nous sommes pourtant en 1935 lorsque l'héroïne - qui est aussi la narratrice - du roman se voit contrainte d'entrer au service de Rudolf Mitwisser, un Juif berlinois que la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne a jeté dans l'exil avec sa famille. Rose Meadows, tel est son nom, vient de perdre le seul parent qu'il lui restait : son père. Un père bien insouciant (et même indigne, si vous voulez mon avis !) qui la laisse seule et sans un sou, à la charge d'un cousin maternel (Bertram) certes sympathique mais qui songe à se marier ... Comme Rose, vaguement amoureuse de Bertram, n'apprécie guère celle qui prétend l'épouser, c'est avec soulagement qu'elle accepte l'offre des Mitwisser.

Du premier entretien, Rose a conclu que le poste proposé était un emploi de gouvernante pour les jeunes enfants Mitwisser. Mais elle va se rendre compte très vite que ses attributions sont beaucoup plus éclectiques.

Traumatisée par leur départ d'Allemagne, Mme Mitwisser - Elsa - est tombée dans une espèce de folie à éclipses qui la fait repousser Waltraut, la plus jeune de ses filles, presque un bébé pourtant, et passer toutes ses journées à faire des patiences, allongée sur son lit. Les rênes domestiques de la maison sont entre les mains de la fille aînée, Anneliese, d'un an plus jeune que Rose. Entre les deux filles, quatre garçons turbulents dont les prénoms changent tout le temps, s'américanisant au gré de leurs humeurs et semant le doute dans l'esprit de Rose.

Et puis, bien sûr, dans son bureau, le professeur Mitwisser qui parle un anglais si protocolaire qu'on en sourit bien souvent et qui travaille depuis une éternité sur un vaste ouvrage relatif à l'hérésie des Karaïtes, juifs qui affirmaient que la Torah devaient être lue (et observée) à la lettre.

Au coeur de cette étrange maisonnée qui donne très vite au lecteur l'impression étouffante d'un galop de chevaux déments dans un vase clos, Rose commence par se poser nombre de questions. Surtout celle-ci : qui assure les finances des Mitwisser puisque l'Etat américain ne les a jamais pris en charge ?
 
Ce roman, on pourrait aussi le comparer à un gros écheveau de laine, se dévidant interminablement mais sans lasser le lecteur curieux. La relativité de l'importance que nous accordons aux choses, les ravages provoqués par l'exil forcé en terre étrangère, l'impossibilité d'oublier le passé et, partant, l'obligation soit de l'intégrer à notre futur, soit de se laisser manger par lui ... voilà quelques uns des thèmes traités ici par Cynthia Ozick. Cela donne parfois l'impression d'un grenier en désordre où il faut, pièce par pièce, rassembler le puzzle de toute une existence mais, si l'on y parvient, on reste admiratif devant la technique de la romancière. D'autant que le livre présente une chute finale pour le moins inattendue.

J'ajouterai qu'Ozick a beaucoup d'humour : son récit de l'hérésie karaïte et des recherches du professeur Mitwesser réjouira tout le monde et tout particulièrement l'athée et l'agnostique.

Un auteur à lire, donc. La prochaine fois, je prendrai néanmoins l'un de ses premiers romans. Ce sera peut-être plus simple de s'y plonger car, je l'avoue, au début du texte, j'ai connu quelques difficultés. A bon entendeur !

29 juillet 2007

Emma - Jane Austen.



Emma
Traduction : Josette Salesse-Lavergne

Après avoir eu un peu de mal à entrer dans ce roman, le plus ambitieux de Jane Austen, je viens d'achever de le dévorer aujourd'hui et je ne suis pas loin de lui conférer la première place devant "Orgueil et Préjugés" ou encore "Persuasion."

Le style est toujours aussi austenien, aussi serré, curieux mélange entre ce que nous donneront le XIXème siècle commençant et le XXème encore dans les limbes. La construction est soigneusement agencée et, si l'on tient compte de l'époque à laquelle ce texte est né, il n'y a, en fait, aucune longueur superflue. Une fois de plus, nous sommes dans la campagne anglaise, un petit village sympathique dénommé Highbury avec ses hobereaux et sa petite bourgeoisie. Et une fois de plus, le thème choisi est l'amour, le mariage. Toutes proportions gardées et à la mode anglaise, on pourrait y voir une forme de marivaudage.

Emma Woodhouse, l'héroïne, est une jeune fille intelligente, sensible et dotée d'un sens aigu des convenances sociales. Elle souffre d'une manie assez rare à son âge : elle prétend marier les autres et non se marier avant les autres. Au tout début du roman, elle persuade sa toute nouvelle amie, Harriet Smith, de refuser la demande en mariage d'un prétendant qui, selon elle, lui est inférieur (il s'agit d'un gros fermier) et d'orienter ses batteries sur le jeune et fringant vicaire, Mr Elton.

Là-dessus, viennent se greffer des intrigues secondaires que j'aurai garde de révéler car cela gâcherait le plaisir du futur lecteur. Qu'il sache seulement que cette diversité dans les actes et les caractères permet à Jane Austen de faire le point sur tous les défauts qu'elle reprochait déjà à la société dans ses romans précédents : compartimentation sociale trop étanche, abaissement de la femme si celle-ci n'a ni fortune, ni mari, inégalités confondantes entre le statut de l'homme et celui de la femme, etc ...

Mais jamais Austen n'a été aussi puissante, aussi cinglante, aussi féroce - aussi violente même. Son ton évoque ici celui, froid et tranquille, d'une personne extrêmement courtoise qui, sans perdre son sang-froid, inflige à ceux qu'elle déteste toute une pluie de critiques acérées, les enchaînant avec une parfaite maîtrise les unes à la suite des autres.

Oui, décidément, "Emma" est bien le meilleur roman de Jane Austen. 

29 juillet 2007

Monsieur le Président - Miguel Angel Asturias.



El Señor Presidente
Traduction : Georges Pillement & Dourita Nouhaud

On ne sort pas indemme de ce roman où la cruauté et une fatalité implacable s'acharnent sur l'intégralité des personnages et dans des proportions qui rappellent tout ce que vous avez jamais pu lire sur les tortures pratiquées par les régimes totalitaires.

Guatémaltèque, Asturias nous dépeint évidemment une dictature latino-américaine vendue aux USA et, par conséquent, conservatrice dans l'âme. Mais ce que n'avait pas prévu cet écrivain qui reçut le Prix Lénine de la Paix en 1966, c'est que la puissance de son évocation est telle qu'elle en arrive à bannir les frontières et que, en dépit du contexte géographique, son "Monsieur le Président" finit par symboliser la Dictature à l'échelle universelle.

Quiconque a lu le "1984" d'Orwell ne pourra s'empêcher d'effectuer le parallèle entre le roman futuriste et essentiellement dirigé contre la dictature stalinienne du Britannique et celui, presque intemporel et dirigé contre une tyrannie pro-capitaliste, d'Asturias. Mais là où Orwell expliquait l'emprise de Big Brother sur son peuple par sa présence permanente, via la télévision et les dispositifs de surveillance, dans le foyer de chacun, Asturias imagine un Président qui voit tout, entend tout, devine tout et finit toujours par tout savoir tout simplement parce qu'il est le Mal incarné.

A propos de son oeuvre, l'écrivain guatémaltèque fut le premier à évoquer le "réalisme magique" qu'il tenait à développer autant dans son style (d'un lyrisme déconcertant) que dans son univers guatémaltèque. Il le reliait non pas aux Surréalistes français - qui l'influencèrent pourtant beaucoup mais à qui il reprochait d'être trop intellectuels - mais aux origines pré-colombiennes de sa culture. De fait, "Monsieur le Président" peut se lire comme un hymne de mort, à la gloire de ces dieux qui, après avoir créé les quatre premiers hommes, furent pris de peur à l'idée que leurs créatures pourraients les supplanter. Ils les privèrent alors de certains sens et les rendirent mortels.

Il semble que la religion maya, surtout après l'arrivée des Toltèques, ait eu quelques rapports avec celle des Aztèques. Or ces derniers avaient un faible accentué pour les sacrifices humains particulièrement sanglants. En ce sens, le roman d'Asturias offre une véritable manne à cette espèce de Moloch maya que représente le Président.

L'intrigue ? ... Disons que le confident du Président, Miguel Visage-d'Ange, tombe amoureux de la fille d'un général qui doit partir en exil sur l'ordre du dictateur. A partir de là, le malheureux, qui était pourtant non seulement beau mais aussi "méchant comme Satan", se met à jouer un double-jeu qui le mènera à une fin abominable.

Le tout baigne dans une atmosphère de cauchemar, non pas un cauchemar à la Kafka, froid, net, précis et pourtant absurde mais un cauchemar réaliste, aux couleurs flamboyantes des Tropiques, où les misérables se font piétiner dans la boue et le sang et où le soleil s'éteint à jamais pour ceux qu'a condamnés la vindicte cruelle du Président.

Si vous avez l'estomac bien accroché, ce livre - qui est un grand, un très grand livre - est pour vous. Sinon, abstenez-vous. Avec sa description des mendiants de la Porte du Seigneur, la première page, au reste, vous renseignera déjà sur vos capacités à aller de l'avant.

25 juillet 2007

Des Gens Comme les autres - Alison Lurie.



Real People
Traduction : Marie-Claude Peugeot

Plus qu'un roman, ce texte assez bref (un peu plus de deux cents pages) constitue surtout une réflexion personnelle de l'auteur sur le statut d'artiste et, plus précisément, sur celui d'écrivain.

L'héroïne qu'elle met en scène, Jane Belle Smith, et sur laquelle elle donne quelques légères indications physiques, pourrait être son double, à une certaine époque en tous cas. Chaque année, Jane a l'habitude de séjourner deux semaines au domaine d'"Illyria", que, dans les années 1900, Ondine Moffat voulut convertir par testament en une résidence payante où musiciens, peintres, sculpteurs, écrivains, etc ... pourraient trouver un havre où se livrer en paix - pour un temps - à leur activité favorite.

Comme chaque année, Jane retrouve un petit cercle d'amis, dont Kenneth, le peintre. Comme chaque année, les relations s'engagent, avec leurs hauts et leurs bas ... Mais, contrairement aux années précédentes, la fin de ce séjour verra une Jane Smith tout à fait transformée quitter "Illyria."

Pour vous inciter à lire ce petit ouvrage dont l'intrigue n'est pas essentielle, mieux vaut vous en citer - pour une fois - certains passages :


Citation:

... Quoique je ressente, quelque part dans ma tête, l'écrivain est là, qui prend des notes, enregistre le dialogue. (Comme a dit un jour Philip Roth, paraît-il, "Notre chance a nous, c'est qu'il ne peut rien nous arriver de mal. Tout est bon à écrire.") Même ici et même en présence de quelqu'un d'aussi célèbre que Teddy Berg - dans un domaine qui n'est pas le mien, c'est vrai - je continue à avoir cette sensation. ...


... Je suis ici parce que je suis écrivain, or paradoxalement, c'est le seul endroit où je ne sois pas étiquetée comme "écrivain." Je peux être à nouveau quelqu'un d'ordinaire, au lieu de cette espèce de phénomène dangereux que j'ai été à Westford dans les six derniers mois.

Autrefois, dans ma naïveté juvénile, je croyais que ce serait merveilleux de devenir auteur. Il ne m'était pas venu à l'esprit que, si ça se réalisait, je cesserais en partie d'exister en tant qu'être humain, aux yeux de presque tout le monde. ...


... En fait, dans l'ensemble, les gens n'aiment pas vraiment l'idée qu'une femme puisse sérieusement être écrivain. Ils trouvent ça incongru. Ils préfèrent oublier l'un des deux, ou bien l'écrivain, ou bien la femme. ...



... A longue échéance, nous ne serons pas jugés sur notre vie privée, mais sur ce que nous aurons écrit. ...



Si cela vous interpelle ... 

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