Le Vilain petit canard - Martha Grimes.
Afin de parer aux sombres manoeuvres de
sa tante Agatha, avide de lui imposer pour les vacances et, si
possible, à Ardry End, toute une nichée de cousins américains répondant
au nom poétique des "Randolph Bigget", Melrose Plant s'est offert une
villégiature à Stratford-on-Avon, ville natale du Grand Will. Il s'y
rend avec d'autant plus d'empressement qu'il compte y retrouver Richard
Jury, à nouveau dépêché par Scotland Yard sur une nouvelle affaire.
Malheureusement, c'est une affaire qui, il faut bien le dire, regorge
de touristes américains.
La première victime, Gwendolyne Bracegirdle, a été retrouvée égorgée et éventrée dans l'une des rues paisibles de Stratford.
Elle participait à un voyage organisé par la Compagnie du
Chèvrefeuille, initialement basée à Atlanta et orientée vers les
clients très, très riches. Et, pendant que Gwendolyne se faisait
assassiner, le fils de James Farraday, autre membre de ce voyage, était
kidnappé.
C'est d'ailleurs sur les instances de Farraday Père,
convaincu qu'il n'existe que deux polices valables de par le monde, le
FBI et Scotland Yard, que Jury s'est vu refiler l'affaire, au grand
déplaisir de son éternel supérieur hiérarchique, le commissaire Racer.
Mais, bien qu'il soit, comme d'habitude, assez content de jouer un
mauvais tour à son chef, Jury se serait bien passé de pareille faveur.
Enfin, heureusement, il a réussi à se faire adjoindre le sergent
Wiggins et puis, bien sûr, il sait qu'il pourra compter sur l'aide de
Melrose Plant ...
Avec le talent unique qui est le sien
pour entrer en contact avec les protagonistes d'une affaire criminelle
avant que Jury lui-même les ait interrogés, Plant a été le premier à
faire connaissance avec les voyages du Chèvrefeuille, en la personne de
Harvey L. Schoenberg - Harve pour les intimes - jeune célibataire
littéralement obsédé par son bébé "Ishi" (= son ordinateur portable) et
le livre qu'il prépare sur la mort de Cristopher Marlowe, relation de
Shakespeare qui mourut assassiné dans une taverne à l'âge de 24 ans.
La
théorie de Harvey, c'est que Shakespeare en personne, horriblement
jaloux de Marlowe, a payé des sbires pour le tuer à coup de dague.
Théorie qu'il étaye à grand renfort de citations élisabéthaines - manie
qui énerve prodigieusement Melrose Plant, touché ici dans sa qualité
même de concitoyen du Grand Will et profondément agacé toutes les fois
que Harvey l'appelle : "Mel."
Quant au "Vilain Petit Canard",
vous aurez deviné sans peine qu'il s'agit d'un énième pub, se dressant
donc à Stratford et possédant la particularité d'une double enseigne :
le Canard, c'est la partie bar mais le restaurant s'appelle "Le Cygne
Noir."
Le moins que l'on puisse écrire, c'est que la
ville shakespearienne par excellence ne portera bonheur ni aux Farraday
(encore que ...) ni aux voyages du Chèvrefeuille.
Un
roman allègre où des morts guère sympathiques s'effondrent dans un jeu
de quilles sanglant et où l'assassin se révèle capable d'un amour aussi
profond que les héros de Shakespeare. Le tout parsemé de remarques
pleines d'humour sur les tics des Américains en voyage.