Le collier miraculeux - Martha Grimes.
Martha Grimes poursuit sa tournée des
pubs anglais aux noms insolites puisque, ainsi qu'elle nous en fait
part dans une petite note placée en tête de ce roman et avec fac-similé
à l'appui, la City a réellement abrité un débit de boissons portant le
nom qui donne son titre à l'ouvrage. Pour les besoins de l'action, elle
l'a simplement déménagé jusqu'à l'East End, quartier évidemment
infiniment moins reluisant.
Car c'est dans le métro
londonien que débute "Le Collier Miraculeux", à la station Stepney
Green où la toute jeune Kathie O'Brien (16 ans) joue un ou deux airs de
violon afin de se faire un peu d'argent pour s'acheter ces robes à la
mode qu'elle aime tant mais que sa mère lui refuse. Hélas !
Concentrée sur son instrument, elle ne remarque pas une silhouette
menaçante et s'effondre, victime de ce que l'on appelle "le coup du
lapin."
Kathie était originaire de Littlebourne, un
"village assez banal situé à une soixantaine de kilomètres de Londres."
Un village tranquille également où la présence du Yard, en la personne
du commissaire Richard Jury et du fidèle sergent Wiggins, est cependant
requise afin d'enquêter sur le corps d'une femme découvert par
un chien dans les bois de Horndean. Détail macabre et en apparence
incompréhensible : deux des doigts de la malheureuse avaient été
sectionnés, puis rejetés sur l'herbe.
Ajoutez à cela une
curieuse histoire de lettres anonymes écrites aux crayons de couleur,
puis expédiées en vrac dans un grand sac plastique à la poste du coin
afin que la préposée les distribue sans autre forme de procès aux
habitant de Littlebourne et vous aurez une idée assez exacte de
l'intrigue.
S'étant débarrassé non sans ruse de sa tante Agatha, Melrose Plant débarque à Littlebourne pour y donner un coup de main à son vieil ami Jury. Ce sera pour lui l'occasion d'y croiser une foule de personnages pittoresques : la tribu Bodenheim, une famille de hobereaux horriblement snobs qui tiennent absolument à demeurer les seuls "aristocrates" du coin ; Polly Pread,
écrivain spécialisée dans les romans policiers et dont l'un des
passe-temps favoris est de s'exercer à ce dur métier en couchant sur le
papier les mille-et-une morts qu'elle imagine justement pour les
Bodenheim ; les soeurs Craigie, Ernestine, ornithologue distinguée et tyranneau en jupons, qui a découvert le corps, et sa soeur Augusta,
"grise comme une souris," dont l'existence est si morne qu'elle se
glorifie de l'unique lettre anonyme qui lui a été adressée ; et bien
sûr la petite Emily Louise Perk, authentique garçon manqué et lad
unique et favori des Bodenheim, qui n'a pas son pareil avec les chevaux
et qui occupe ses rares moments de loisirs à consommer citronnade sur
citronnade et à colorier ses albums de dessins.
Face à ce
déploiement rural, les personnages londoniens appelés à jouer un rôle
déterminant dans l'affaire ne sont pas en reste, qu'il s'agisse des
habitués qui se réunissent au "Collier Miraculeux" pour jouer au jeu
"Sorciers & Guerriers" ou encore de Ash Cripps (dit "Ash le Flash")
et de sa famille.
L'un des meilleurs livres de Grimes :
contrairement à "L'Inconnue ..." et à "L'Auberge ...", tout s'y tient,
du début jusqu'à la fin. Le rythme ne faiblit pas et même sans Agatha
mais grâce à la triple performance des Bodenheim (les parents,
notamment), de Polly Pread et de la petite Emily-Louise, on s'amuse
bien.
La note romantique est superbement assurée par Cyril
Mecenary, le professeur de musique de Kathie, lorsqu'il apprend la mort
de la jeune fille.
L'assassin enfin est vraiment insoupçonnable jusqu'au chapitre ...
Non, je ne vous dirai pas le numéro : achetez "Le Collier Miraculeux", vous verrez bien.