Indian Killer - Sherman Alexie.
Indian Killer
Traduction : Michel Lederer
Ce pourrait être un thriller
ou un roman noir mais c'est plutôt un hybride. Autour de l'apparition,
à Seattle, d'un tueur qui scalpe ses victimes et que les media -
toujours aussi stupides - baptisent arbitrairement "Le Tueur Indien",
Sherman Alexie a construit un livre qui tient en fait beaucoup plus du
roman social que du policier à l'état brut.
Il a choisi
comme héros un jeune Indien adopté à sa naissance par un couple de
Blancs qui ne pouvaient pas avoir d'enfants. Ce couple s'appelait Smith
et, avec un aveuglement stupéfiant, ils ont appelé le bébé du prénom de
John. (!!!) Comme ils se montrent très bon avec lui et le traitent
comme leur fils, comme ils s'attachent à l'intégrer dans le monde blanc
tout en évitant de le couper de ses racines indiennes, le lecteur est
tout de suite saisi par cette impardonnable faute de goût.
Devenu
adulte, John rompt plus ou moins avec ses parents et se fait embaucher
sur un chantier de gratte-ciel. On comprend alors très vite que le
jeune homme souffre de problèmes nerveux et de troubles de mémoire qui,
effectivement, pourraient faire de lui "le Tueur Indien" ...
...
s'il n'y avait au moins un autre prétendant à ce titre, Reggie
Polatkin, fils d'un Blanc et d'une Indienne et étudiant brillant qui a
été exclu de l'université de Seattle pour s'être bagarré avec l'un de
ses professeurs.
Mais au-delà la trame policière, le but
premier du romancier est de dépeindre la condition faite actuellement
aux Etats-Unis aux descendants des Indiens qui survécurent au génocide.
Le résultat est accablant pour les autorités : la xénophobie quasi
légendaire de "l'Amérique profonde" apparaît ici avec une violence rare.
Et
justement, c'est là que le bât blesse car, contrairement à ce qu'ont
dit de ce livre certains critiques, le paysage ici présenté est bel et
bien manichéen. Je l'ai tourné et retourné mais il n'y a rien à faire :
d'un côté les gentils, de l'autre les méchants - et c'est tout. Certes,
au beau milieu, on peut trouver quelques êtres, Indiens ou Blancs, qui
ne rêvent que de servir de passerelle entre les deux groupes mais ils
sont dépeints soit comme des imbéciles, soit comme des lâches, soit
comme des utopistes.
Du
coup, ma lecture de cette histoire pourtant excellement bien menée et
qui, presque jusqu'au bout, laisse planer le doute sur l'identité
réelle de l'assassin, s'en est trouvée plutôt gâchée. Les
personnages manichéens ne m'ont jamais parlé et bien que je n'aie aucun
doute sur la capacité de haine et de méchanceté dont l'Homme est
capable envers l'Homme, je sais aussi que parfois, la vapeur est
capable de s'inverser avec succès et que, dans la majeure partie des
cas, l'Homme est plus gris que franchement noir ou blanc.
Un ouvrage donc assez décevant qui me fait hésiter sur l'achat de "Indian Blues", du même Sherman Alexie.