La Bête du Gévaudan - Michel Louis.
Le
livre de Michel Louis, que vous pourrez vous procurer à un prix très
abordable dans n'importe quelle bonne librairie, en ligne ou pas,
s'inscrit désormais comme un incontournable parmi le lot d'ouvrages,
fantaisistes ou réalistes, de bonne ou de mauvaise foi, qui furent
consacrés à la Bête du Gévaudan.
J'ajouterai que les amis des
animaux ET les écologistes ne pourront que s'enchanter de cette lecture
qui nous apprend, par la plume d'un zoologiste expérimenté, tout ce
qu'il faut savoir sur cet animal abusivement vilipandé par l'opinion
publique qu'est le loup.
Quand on s'intéresse à la Bête
du Gévaudan, on est très vite surpris par un fait primordial : l'animal
n'hésitait pas à attaquer alors qu'elle se trouvait au beau milieu d'un
village. En d'autres termes, la Bête n'avait nullement peur de l'homme.
Et les loups, eux - et qui leur donnera tort ? - redoutent beaucoup les
méchants tours de notre espèce et, un peu comme les chats d'ailleurs,
nous considèrent avec un mépris dont notre supposée intelligence
supérieure n'a pu venir à bout.
C'est que le loup sait, par
exemple, ce que veut dire le mot "solidarité" et qu'il l'entend comme
recouvrant autant de devoirs que de droits. Dans la meute, il y a
souvent plusieurs mâles et femelles. Mais, pour avoir le droit de vivre
en meute, tous s'effacent (et ne tombent d'ailleurs jamais en rut)
devant le mâle dominant et sa femelle. (Rappelons au passage que le
loup est partisan de la monogamie.)
Contrairement aux légendes
engendrées par la Peste noire, qui faisait s'accumuler les cadavres aux
quatre coins de l'Europe et notamment de la France, le loup ne
s'attaque jamais à l'homme, même s'il est en meute. Il suivra l'homme
affaibli dans l'espoir de le voir tomber et de se nourrir de son
cadavre, mais il ne l'attaquera pas. Sauf s'il souffre de la rage. Mais un animal enragé n'a plus toute sa raison et meurt très vite.
La
preuve de la pusillanimité des loups et paradoxe qui ne peut que
frapper dans la terrible histoire de la Bête, les bergers et bergères
de l'époque savaient qu'ils pouvaient faire fuir un loup en lui lançant
des pierres ou en heurtant leurs sabots l'un contre l'autre.
De
tels expédients n'ont pourtant pas fonctionné face à la voracité de la
Bête du Gévaudan et cela tend bien à prouver qu'elle n'appartenait pas
à l'espèce lupine.
Des faits de ce type, Michel Louis en aligne un grand nombre dans un récit divisé en deux parties :
a) l'histoire de la Bête qu'on
lit ici sans se lasser un seul instant de cette accumulation de
meurtres (ce qui n'est pas le cas, par exemple, dans l'ouvrage du curé
Fabre) ;
b) et les mystères de la Bête où
l'auteur pointe du doigt avec passion le refus politique de Versailles
de voir les choses telles qu'elles étaient après l'abattage de la
présumée Bête et la reprise des crimes, les incohérences des enquêtes
(les cadavres n'ont jamais été retrouvés immédiatement. Louis estime
que des nécrophages bien réels étaient passés par là, après la Bête.),
le manque de méthode des enquêteurs (le XVIIIème siècle ne possédait
certainement pas les méthodes adéquates pour recueillir les indices en
l'état : après tout, la création de la police, au sens où nous
l'entendon aujourd'hui, ne date-t-elle pas d'un siècle plus tôt, du
règne de Louis XIV ?) et, bien sûr, la mauvaise foi patente de certains
écrivains (dont Guy Crouzet) qui, par la suite, se penchèrent sur
l'affaire.
Michel Louis m'a définitivement convaincue de la
nature hybride de la Bête et de la relation qu'elle avait avec un ou
plusieurs sadiques sexuels. Car, loup ou hybride, aucun animal de cette taille ne peut trancher une tête humaine. Pas plus qu'un animal, quel qu'il soit, ne déshabille ses victimes avant ou après les avoir tuées.
Et
Michel Louis fait mieux encore : en authentique amoureux des animaux et
du sort que nous leur imposons trop souvent, il nous rend la Bête
sympathique. Après tout, si on ne l'avait pas dressée à tuer ...
Un livre passionnant, à lire ab-so-lu-ment !